Mais au fond, qui connaît la vérité sur le roi Arthur et ses compagnons ? Le cycle arthurien a fait l’objet d’innombrables versions, depuis le Moyen-Âge jusqu’à notre époque, et se décline désormais sur plusieurs supports et pour des publics variés. Notamment des comédies audiovisuelles avec Sacré Graal ! et Kaamelot, l’adaptation en dessin animé Merlin l’enchanteur des studios Disney ou la vie fictive de Merlin en romans (Merlin l’Enchanteur d’Edgar Quinet, l’Enchanteur de René Barjavel et la saga contemporaine pour adolescents Merlin de T.A Barron), quand Marion Zimmer Bradley revoit le mythe sous un angle féministe avec Les Dames du Lac.
Toutes les versions de la légende se déroulent dans les mêmes eaux. Soit juste avant la retraite des Romains de Grande-Bretagne (à la fin du Ve siècle) soit juste après (au début du VIe siècle). Mais toutes sont apocryphes, quoique la première soit attribuée au barde Taliesin - dont on ne sait pas s’il a réellement existé - censé l'avoir été écrite quelques années après les faits. On distingue néanmoins deux grandes “familles” dans ces récits.
Dans les versions “anciennes”, la Grande-Bretagne sous tutelle romaine est tiraillée par des conflits religieux, en dépit de l’édit de Milan qui autorisait la liberté de croyances. Le catholicisme est la religion majoritaire, mais certains adorent encore les dieux romains ou, dans les confins de l’empire, les divinités celtes (comme en Grande-Bretagne) et germaniques. Le “premier” Arthur, dont le prénom vient d’ailleurs du celte ancien, est alors celui qui doit - en vain - unifier les trois religions pacifiquement. Ses “chevaliers” n’en sont alors pas, car cette notion n'existait pas à l’époque ! La chevalerie médiévale est en effet une lointaine descendante, apparue au XIème siècle, de la chevalerie germanique - or la Grande-Bretagne n'était pas encore saxone - et n'a rien à voir avec la "chevalerie" romaine, terme qui n'était même pas employé à l'époque et repose plutôt sur une assimilation ultérieure entre la chevalerie médiévale et les (rares) cavaliers issus de la haute noblesse ayant servi dans les légions de Rome.
Dans les relectures par les clercs du Moyen-Âge central, Arthur devient un fidèle catholique à la recherche de la relique absolue, le Graal ayant reçu le sang du Christ, preuve irréfutable de la véracité derrière la foi chrétienne. Objet qui rappelle d'ailleurs les chaudrons magiques souvent présents dans les légendes celtes, aussi bien celui contenant l'inspiration poétique (à la base de la légende de Taliesin mentionné ci-avant) que le chaudron d'abondance du Dagda irlandais. Geoffroy de Monmouth, Robert de Boron, Guillaume de Malmesbury, Chrétien de Troyes… Autant d’auteurs bien ultérieurs au roi Arthur, que les historiens estiment à peu près aussi fiables que les Monthy Python ! Ces nouvelles versions de chevaliers sont là pour incarner la lutte de la vertu contre les vices, tout en étant tiraillés par la tentation, ainsi que le détaille ce podcast de “2000 mille ans d’histoire ”.
Il y a fort à parier qu’Arthur n’a jamais vécu. Il est vraisemblablement inspiré de plusieurs personnages historiques (dont l’existence n’est pas toujours attestée), notamment Ambrosius Aurelianus l’Aîné, noble britto-romain qui mena des armées contre l’invasion picte ou de son fils supposé Ambrosius Aurelianus le Jeune qui unifia de plusieurs tribus pour repousser des débarquements saxons, voire d'autres meneurs d'hommes plus anciens comme Lucius Artorius Castus ou Riothamus.
Les autres figures de la légende possèdent toutes une part de flou. Morgane est commune à toutes les versions, mais diverge dans son histoire (une étrangère, ou la sœur d’Arthur, parfois demi-sœur seulement, ou même sa tante selon certains auteurs) et ses motivations, car elle est dépeinte aussi bien comme une alliée que comme une ennemie. Et la Dame du lac ? Appelée Nimué dans les versions celtes du mythe, ou Niniane à l’époque britto-romaine, ou Viviane (devenue ennemie de Merlin) dans les récits plus récents… Difficile de s’y retrouver !
Le plus énigmatique reste encore Merlin. Il serait né sous le nom de Myrddin, au Pays de Galles, peu avant l’an 0 (donc avant la colonisation romaine). Adulte, il aurait appris les arts druidiques et trouvé un moyen d’allonger sa vie, peut-être au prix de sa santé mentale. Le nom “Merlin” lui viendrait de sa faculté à se changer en oiseau, soit en merle soit en faucon émerillon (dit “merlin” en anglais). Mais pour les clercs, c’était une sorte d’antéchrist ayant finalement choisi de faire le Bien, car né d’un démon et d’une pucelle (comme Jésus né de la Vierge Marie).
Enfin, la plus fidèle “compagne” d’Arthur : Excalibur. La version majoritairement répandue veut qu’elle soit sortie du lac de Nimué/Viviane et donc différente de l'Épée du Rocher, qui visait juste à prouver sa légitimité royale, mais les deux lames sont parfois confondues. Celle du rocher, en outre, aurait un nom gallois se rapprochant soit de la lance magique Gae bolga (du héros mythologique Cuchulainn) soit de l’épée foudroyante du dieu Nuada, deux fables irlandaises. Et il y a l’île d’Avalon, où Arthur fut emmené après sa mort… ou bien emporté pour être guéri et y vivre éternellement, selon les auteurs, devenant alors allégorie du Paradis. L’île s’inspire d’un mythe celte mais est seulement associée à Arthur par Geoffroy de Monmouth. Certains la pensent en mer, d’autres sur le lac de Nimué, à moins que ce ne soit une simple éminence dans les marais qui correspondrait aujourd'hui à Glastonbury.
Une dernière question demeure : la nationalité d’Arthur et de ses compagnons. Ils sont dits “bretons”, mais Bretons de France ou “Grands-Bretons” ? Tout chauvinisme mis à part, la version anglaise est la plus probable, néanmoins des amoureux de la Bretagne défendent toujours leurs arguments. Ceux-ci sont justement exposés dans ce programme de Ouest-France.
Même si chacun a son “Arthur” et qu’on ne saura sans doute jamais où se situe la vérité, cela reste l’une des légendes les plus populaires au monde qu’il est toujours intéressant de découvrir sous de nouveaux points de vue.